Selon le représentant de CPECC, les entreprises chinoises qui travaillent sur des projets à l'étranger dans le cadre de l’ICR avancent pas à pas avec prudence

2021-05-06 17:28:31 Source: La Ceinture et la Route

Le projet de réhabilitation et d'adaptation de la raffinerie d'Alger, confié à la société chinoise China Petroleum Engineering Construction (CPECC) par la société pétrolière nationale algérienne Sonatrach, est un projet particulièrement difficile et rarement vu dans l'histoire de la construction pétrochimique mondiale.

Le site de construction du projet de la raffinerie d'Alger confié à CPECC, vu en mai 2019. (Photo : CPECC)

Le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad a qualifié ce projet d’exemple de coopération entre l’Algérie et la Chine, soulignant que c’est la participation d'entreprises chinoises comme CPECC qui a assuré le succès du projet.

Le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad (premier à gauche au premier rang) visite le chantier de construction de la raffinerie d'Alger, le 24 février 2020. (Photo : CPECC)

« Au début, beaucoup de mes collègues ne comprenaient pas pourquoi nous nous lancions dans un projet aussi difficile. Mais le temps a prouvé que nous avions raison », a dit Chen Peijian, directeur général de ce projet.

Dans une récente interview conjointement organisée par le Portail d’information La Ceinture et la Route (PICR) et le China Petroleum Daily, M. Chen a évoqué ses expériences sur la gestion et la construction de ce projet.

PICR : Pouvez-vous nous en dire davantage sur le calendrier de ce projet ?

Chen Peijian : La raffinerie est située au sud-est d’Alger, capitale de l'Algérie. Elle a été construite et mise en service pour la première fois en 1964, avec une capacité de production annuelle de 1,6 million de tonnes. En 1970, elle a été rénovée et sa capacité annuelle est passée à 2,7 millions de tonnes.

En 2010, une entreprise française de renommée mondiale est devenue adjudicataire pour sa rénovation, avec pour mission d'augmenter sa capacité à 3,6 millions de tonnes par an. Cependant, en 2015, alors que le projet était achevé à environ 70%, le maître d'ouvrage a résilié le contrat avec la société française et a relancé des appels d'offres un an plus tard.

Le 6 novembre 2016, le projet de la raffinerie a été confié à CPECC, et en septembre 2017, je me suis rendu en Algérie en tant que directeur général de ce projet.

En mai 2019, la modernisation de l'usine existante a été achevée avec succès, et le 19 juin 2020, tous les équipements ont été mis en production, indiquant que la raffinerie était prête pour les opérations commerciales.

Photo montrant la raffinerie de pétrole d'Alger rénovée, vue en mars 2020.  (Photo : CPECC)

Le 23 septembre 2020, tous les équipements ont terminé les tests de fonctionnement et ont été remis au maître d'ouvrage. Aujourd’hui, ils fonctionnent depuis plus de six mois, avec un résultat satisfaisant en ce qui concerne la qualité des produits, la capacité de production et la consommation d'énergie.

PICR : Pourquoi la raffinerie d'Alger est-elle importante pour l'Algérie ?

Chen Peijian : La raffinerie d'Alger est l'une des trois plus grandes raffineries d’Algérie et la seule dans la région de la capitale. Son projet de modernisation était alors l'un des trois les plus importants dans le pays et a été suivi de près par le gouvernement local.

Dans le passé, l'Algérie a connu des pénuries de produits pétroliers raffinés. Bien que le pays soit un exportateur de pétrole brut, il devait pourtant dépenser beaucoup d'argent dans l’importation de produits pétroliers raffinés. L’expansion de la raffinerie d'Alger aidera le pays à répondre à sa demande intérieure, à économiser des devises et à stimuler la croissance économique locale.

PICR : Quelle est la signification de ce projet ?

Chen Peijian : La raffinerie étant cruciale pour l'Algérie, la réussite du projet de modernisation par une entreprise chinoise est certainement un plus pour les relations sino-algériennes. Il est par ailleurs possible de promouvoir plus de coopérations entre les deux pays dans le cadre de l'Initiative « La Ceinture et la Route » (ICR).

En février 2020, le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad a visité le chantier. Alors qu'il s’apprêtait à quitter la salle de contrôle, il s’est spécifiquement dirigé vers moi et m'a dit que la Chine et l'Algérie jouissaient d’une amitié historique et entretenaient des relations étroites au fil des ans, notant aussi que le projet de raffinerie est un bon exemple de collaboration entre les deux pays.

Le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad (à gauche) serre la main du directeur général Chen Peijian (à droite) lors de sa visite du chantier, le 24 février 2020.  (Photo : CPECC)

De plus, lorsque nous avons repris le projet de l'entrepreneur précédent, nous avons dû apprendre leur système de gestion et d’opération, ainsi que leurs normes. Mon équipe a été très inspirée dans ce processus. Nous avons ensuite résumé et créé un ensemble de systèmes généraux de gestion des projets (EPCC) d'ingénierie, d’achats, de la construction et de la mise en service, ce qui constituera un bon exemple de pratique pour des projets similaires de la société.

Photo montrant le guide de gestion des projets EPCC de la raffinerie d'Alger en avril 2021.  (Photo : CPECC)

PICR: Quels ont été les défis rencontrés lors de la construction de ce projet ?

Chen Peijian : Les projets de modernisation impliquent souvent des risques de sécurité élevés, et celui de la raffinerie d'Alger n'a pas fait exception. L’ancienne usine de la raffinerie fonctionnait depuis plus de 50 ans et les équipements n’avaient pas été bien entretenus, de sorte que les fuites de pétrole constituaient un problème majeur.

Nous avons fait un petit test et avons constaté que la terre du site de construction pouvait s’enflammer facilement, ce qui signifie qu’une petite étincelle produite lors de travaux de creusement pouvait provoquer un grave accident. C’est pourquoi, à de nombreux endroits, nous n’avons pas osé utiliser des machines, et nous avons dû creuser la terre avec des pelles et à la main, comme on le fait dans des fouilles archéologiques.

Les ouvriers creusent la terre dans le chantier avec des pelles comme dans des fouilles archéologiques en novembre 2017.  (Photo : CPECC)

De plus, la période de construction a traversé deux saisons de pluies. Des pluies fréquentes ont provoqué des glissements de terrain à plusieurs reprises, constituant un grand défi pour nos travaux.

PICR: Qu’est-ce qui a rendu le projet de la raffinerie d'Alger particulier ?

Chen Peijian : Si on dit que le projet de la raffinerie d'Alger est particulier, c’est parce que CPECC l'a pris à mi-chemin de l’entrepreneur précédent, ce qui n'est pratiquement jamais arrivé dans l'histoire de la construction pétrochimique.

S'il s’agissait d'un projet entrepris à partir de zéro, tous les processus, y compris la conception, les achats, la construction et la mise en service, seraient clairs et traçables. Mais un projet pris à mi-chemin est une autre chose. Nous avons dû passer beaucoup de temps à examiner et à vérifier les progrès réalisés par l'entrepreneur précédent.

Par exemple, le contrat indiquait que la conception était achevée à 99,7% au moment où nous avons repris le projet. Mais après une vérification minutieuse, il s'est avéré que l'entrepreneur précédent n'avait en fait terminé la conception qu’à 75%. Cela veut dire que mon équipe a dû terminer plus de 20% de la conception.

Nous avons également dû vérifier l’avancement des achats précédents. Certains matériaux étaient stockés dans l'entrepôt, tandis que d'autres étaient laissés sur le chantier, voire simplement empilés sur l’herbe. Nous avons dû les vérifier pour dresser notre propre liste d'achats. Il s’est avéré que nous devions acheter beaucoup de matériaux supplémentaires, qui avaient été perdus ou endommagés dans les travaux précédents, et nous avons fini par passer un volume de commande trois fois plus supérieur que celui d'un projet de nouvelle raffinerie de même taille.

PICR : A quoi ressemble votre équipe en Algérie ? Pouvez-vous partager avec nous vos expériences de gestion d'une équipe multiculturelle ?

Chen Peijian : Nous avons environ 80 employés chinois dans le projet de raffinerie d'Alger, soit environ 30% du total. Pour le reste, soit 70%, nous les avons recrutés localement dès notre arrivée, en tant qu’ingénieurs, personnel de service, etc.

Tout en m'entendant bien avec nos employés étrangers, mon principe est de les traiter de manière égale quelle que soit leur position ou leur nationalité. C'est le premier geste pour montrer son respect. Je crois que les cultures de différents pays ont des similarités et que les gens de toutes les cultures apprécient le sentiment d'être vus et respectés.

Nous organisons souvent différents types d'activités pour renforcer l’esprit d’équipe de nos employés. Par exemple, nous avons invité les employés locaux à célébrer les fêtes traditionnelles chinoises avec nous. Lors de certaines fêtes locales, tels que l’Eid al-Fitr, nous avons également organisé des fêtes ou leur avons offert des vacances ou d'autres types d’avantages. Nous avons par ailleurs créé des espaces de prière pour les employés locaux.

Des travailleurs chinois et locaux participent ensemble à une compétition technique en novembre 2017. (Photo : CPECC)

Je pense que ce type d'activité est particulièrement important pour les équipes interculturelles. Cela montre non seulement le respect que nous avons pour nos employés locaux, mais transmet aussi le charme de la culture chinoise que la communauté locale ne connaît généralement pas. De nombreux Algériens ont été profondément attirés par la culture chinoise après des activités de découverte culturelle et de communication étroites.

PICR : Avez-vous des conseils pour les entreprises chinoises qui ont des projets d'infrastructure dans les pays et régions le long des routes de l'Initiative « La Ceinture et la Route » ?

Chen Peijian : Zeng Guofan, un célèbre homme politique chinois de la fin de la dynastie Qing (1644-1911), a dit qu'il fallait « construire des fortifications solides quand on mène des guerres ennuyeuses ». Après toutes ces années d’expérience à l’étranger, j’ai acquis une profonde compréhension de ce dicton.

Que signifie « construire des fortifications solides » dans le cas présent ? Tout d'abord, vous devez analyser soigneusement et de manière exhaustive les risques dans l'exécution d’un projet et apporter des solutions appropriées ; Deuxièmement, améliorer les capacités de l'équipe en formant votre personnel ; Et troisièmement, établir un système de gestion complet avec des normes claires qui s'adaptent au marché local.

« Mener des guerres ennuyeuses » signifie qu’il faut tenir compte des réalités et se débarrasser des obsessions idéalistes, comme raccourcir la période de construction ou se contenter de soigner son image. Vous devez avancer pas à pas. Et par-dessus tout, vous devez vous concentrer sur chaque petite chose, établir de bonnes bases et être strict dans l'exécution.

Enfin, il y a autre chose qui s’appelle « Respecter la loi et gagner par surprise ». Même si vous vous efforcez d'appliquer strictement les lois et réglementations locales et de suivre de près les exigences du contrat, vous devez toujours saisir les occasions pour montrer votre force lorsque vous le pouvez.

Par exemple, à cause de la pandémie de COVID-19, certains de nos sous-traitants internationaux n'ont pas pu se présenter. Nous avons donc proposé de prendre en charge les travaux nous-mêmes pour poursuivre la construction. Autrement dit, lorsque quelque chose d'imprévisible se produit et que la situation vous oblige à prendre des responsabilités supplémentaires à votre portée, vous devez faire un choix audacieux pour montrer votre force et assurer l'achèvement du projet.

(L'interview a été conjointement menée par le Portail d’information La Ceinture et la Route et le China Petroleum Daily, avec une reconnaissance spéciale à CPECC.)

Rédigé par: 王予