Les raisons d'aimer Beijing : rencontres avec quatre Français vivant dans la capitale chinoise

Publié le: 05-12-2024 Source:  French.xinhuanet.com
fontLarger fontSmaller

David est un Français installé à Beijing depuis près d'un an. Plein d'attentes et de curiosités sur cette ancienne capitale de plus de trois mille ans, il a demandé à quatre de ses compatriotes qui y vivent depuis plus de dix ans : quel genre de ville est Beijing et qu'est-ce qui les incite à rester ici? Voici son journal dans lequel il partage ses rencontres et observations avec eux.

BEIJING, 4 décembre (Xinhua) -- "Il est souvent malaisé, quand on est nouveau quelque part, de savoir où s'adresser, où aller, comment faire, sans parler des idées préconçues que l'on peut avoir. Ce qui m'a beaucoup aidé, et continue de contribuer à mon adaptation à Beijing, sont les gens que j'ai rencontrés, Chinois ou expatriés, et c'est lors de ces discussions informelles que l'on apprend les 'trucs qui vous sauvent la vie'", raconte David, un Français installé à Beijing depuis près d'un an.

Laurent : l'adoption des nouvelles idées et technologies se fait très vite

Laurent est un lève-tôt et me demande de le retrouver à 7h30. Il est un mélange de discipline et de flexibilité intellectuelle. Il a choisi de me faire découvrir un endroit qu'il aime beaucoup, qui allie son amour de la randonnée et de la culture. Nous montons dans sa voiture et direction le temple de Dajue. C'est à une heure de route, c'est une des nombreuses montagnes autour de Beijing et celle-ci comprend trois sommets.

64ff8d25b5c845eb9fe5b0a8eba68c58.JPEG

David (à gauche) et Laurent font de la randonnée dans les montagnes près du temple de Dajue, dans la banlieue de Beijing.

A 9h, nous sommes au pied de la montagne où est aussi niché un temple millénaire magnifique. Nous attaquons le chemin et si ce n'étaient les randonneurs chinois que nous croisons occasionnellement, nous pourrions être n'importe où en France. La forêt a commencé à revêtir ses habits d'automne et nous avons parfois eu l'impression de marcher dans un tableau de Courbet. En quatre heures de randonnées, nous aurons le temps de traverser plusieurs paysages très différents, où les essences des arbres sont très similaires à celles que l'on trouve en France et je redécouvre les mêmes odeurs.

Laurent a grandi dans une ferme en Mayenne, que ses parents ouvriers agricoles tiennent toujours. "Pour faire simple, je suis le fruit de la possibilité que l'on a, en France, de prendre cet ascenseur social via l'éducation, et j'ai donc pu faire de grandes écoles et obtenir un diplôme d'ingénieur".

Un jour, il a décidé de changer d'horizon. Il cherchait un grand pays, de grands paysages et une seule langue, ce sera la Chine. "A l'époque, on connaît mal la Chine, on avait beaucoup d'idées préconçues, encore maintenant d'ailleurs, et j'étais curieux de découvrir ce pays". Il a trouvé un travail dans une grosse compagnie française à Beijing et s'y est installé pour de bon en 2006.

Nous nous arrêtons sur une crête qui doit être à 1.000 mètres d'altitude. Laurent pointe du doigt vers ce qui me semble être le nord-ouest, Beijing est derrière nous. "Tu vois, si tu passes ce sommet, après ce sont des montagnes à perte de vue. C'est vraiment superbe!" Nous commençons à redescendre.

Je lui demande pourquoi il est resté en Chine alors qu'il a reçu régulièrement des propositions de travail très intéressantes ailleurs. "Les gens sont les mêmes partout dans le monde. Les besoins de bases, les envies sont les mêmes et juste parce qu'on émet différents sons, et que l'on a du mal à se comprendre, ne veut pas dire que l'on est foncièrement différent. On m'a proposé souvent d'aller travailler à Paris, mais par exemple, dans les bouchons à Paris, je perdrais mon temps. A Beijing, je discute avec le chauffeur de taxi, il me raconte sa vie et en plus j'améliore mon mandarin. Ce que j'aime aussi ici, c'est que c'est un pays qui a gardé un esprit de pays en développement, dans le sens où l'on trouve toujours une solution. Ce que j'aime également beaucoup, c'est que comme la Chine a eu une croissance relativement récente, qu'il n'y pas trop d'historique de développement, l'adoption des nouvelles idées et technologies se fait très vite".

Hortense : je crois que Beijing est la capitale mondiale de la biodiversité et les gens ici sont chaleureux, ouverts et ont la communication facile

Ma prochaine rencontre est avec Hortense en milieu de journée dans un ancien parc qui se trouve juste à côté du quartier des affaires. Nous sommes au parc Ritan, qui date de 1530. C'est un endroit magnifique, hors du temps, cerné de gratte-ciels, anachronique. Nous nous installons à la terrasse d'un café posé sur le bord d'un lac entouré d'arbres multi-centenaires et de rochers, et la quiétude de l'eau est seulement troublée de temps en temps par le saut de gros poissons rouges ou jaunes.

73e3390f233e4532b61fa4352a08ece2.JPEG

Hortense au parc Ritan à Beijing.

Hortense travaille aujourd'hui pour une compagnie avec des investissements étrangers basée en Chine. Née en France, elle a déménagé à l'âge de sept ans à Hong Kong où elle a découvert très tôt sa passion pour la culture chinoise. Elle est arrivée à Beijing en 2003. C'est à ce moment-là qu'elle découvre l'endroit où nous nous trouvons, et aussi ici qu'elle rencontre celui qui deviendra son mari, lui-même Pékinois.

Je l'interroge sur ce qu'elle aime à Beijing et aussi ce qu'elle aime moins. "Pourquoi je t'amène ici en fait, dans ce parc, c'est que c'est le Beijing plus traditionnel. Que ce soit dans les parcs ou dans les hutongs (ruelles anciennes, typiques de Beijing), on a une véritable vie sociale où les gens se connaissent, papotent, jouent, dansent ou chantent ensemble. Il y a aussi le côté nature. A Beijing, il y a énormément de lieux naturels, de parcs. Je crois que Beijing est la capitale mondiale de la biodiversité. Il y a la facilité de se rendre à la campagne, d'aller faire des randos à la montagne ou sur la Grande Muraille. Par contre, ce dont je souffre le plus ici, mais qui est sans doute le problème de toute grande ville, est le fait que les distances sont tellement grandes, on ne peut pas marcher et on est tout le temps dans les transports."

Elle doit retourner au travail et conclut en parlant des Pékinois. "Les gens ici sont chaleureux, ouverts et ont la communication facile. Et c'est vrai que mes premières années à Beijing, un chauffeur de taxi, tu refaisais le monde avec lui. Une autre chose que j'apprécie beaucoup ici, et qui peut peut-être énerver des observateurs occidentaux, est que les Chinois évitent la confrontation et recherchent plutôt l'harmonie."

Gaëlle : Beijing est avant tout une ville d'art

Gaëlle m'a donné rendez-vous dans un café dans le centre de Beijing, dans le quartier de Gulou, qui est réputé pour ses hutongs, et où l'on trouve un mélange d'ancien et de ce qui est tendance. Le café est situé le long d'une petite rue dans une maison ancienne, comme on en trouve encore beaucoup à Beijing, faite de bois au rouge patiné et au toit de tuiles grises.

641f0ff14122465f8b69eac29f21055c.JPEG

Gaëlle dans un café d'un quartier traditionnel de Beijing.

L'ambiance est douillette, "cool jazz" en musique de fond et une déco qui est un mix de modernité et de meubles traditionnels. Il y a aussi une cour intérieure avec un arbre luxuriant au milieu. J'entends par intermittence le roucoulement d'une colombe qui a peut-être élu domicile dans ses branches, et qui ajoute à la sérénité du lieu.

Gaëlle vient d'arriver. Une bise sur chaque joue et on s'assied autour d'une petite table. Originaire de la région parisienne, elle est venue à Beijing en 2003 et travaille actuellement au Lycée français de la ville.

"Qu'est-ce qui t'a fait aimer la Chine et plus particulièrement Beijing ?" Elle s'enthousiasme : "J'ai tout de suite accroché quand je suis arrivée ici. Beijing est avant tout une ville d'art. Il y avait des concerts partout, tout le temps. J'allais à tous les concerts de rock auxquels je pouvais assister. Je voulais aussi être dans un endroit complètement dépaysant. Il y a vingt ans, Beijing avait davantage ce côté 'vieillot', c'était en plein développement, et j'avais aussi l'impression de faire un voyage dans le temps. Et puis la nourriture, et les gens... Je trouve que les gens sont hyper tolérants ici et les relations sont très douces".

Et d'ajouter : "Pour connaître Beijing, il faut vraiment passer du temps dans les hutongs. Ca, c'est réellement Beijing. Il faut y passer du temps et parler avec les gens. Ce sont de grands bavards, les Pékinois", conclut-elle avec un sourire.

Carlos : numéro un, c'est la sécurité

Ma prochaine entrevue est avec Carlos pour dîner. Il m'a donné rendez-vous dans un bistrot traditionnel français où il a fêté notamment son mariage et les un an de sa première fille. C'est un endroit auquel il est très attaché et qui lui ressemble : style décontracté sans futilité, sympa sans être désinvolte.

c704dc0ff87d484ea8c645829ac8b89c.JPEG

Famille de Carlos au Palais d'été à Beijing.

Carlos, immigré en France du Pérou à l'âge de trois ans, a grandi à Nantes. En 2011, il choisit de façon inopinée de partir pour la Chine. Il est d'abord arrivé à Tianjin pour continuer ses études, avant de déménager plus tard à Beijing où il travaille jusqu'à présent.

Je lui demande ce qu'il préfère en Chine. "Numéro un, c'est la sécurité ! J'ai beaucoup voyagé en Asie, un peu en Amérique du Sud et pas mal en Europe. Pour moi, le pays le plus sûr, c'est de loin la Chine. J'ai deux filles et, dans une quinzaine d'années, où est-ce que je voudrais qu'elles soient : en Chine ! J'aime aussi la facilité de vivre. Tu peux trouver tout ce que tu veux à n'importe quel moment du jour ou de la nuit."

Plusieurs membres de sa famille sont venus lui rendre visite l'été dernier et certains sont restés jusqu'à un mois et demi. Il raconte : "Ma famille est arrivée avec tellement d'idées préconçues sur la Chine, qui étaient totalement fausses ! Sur le manque de verdure, de liberté, sur la pollution, les transports, etc. Ils sont repartis avec une image complètement différente de la Chine et particulièrement de Beijing. Moi-même, avant que je ne me mette à côtoyer plus de Chinois, je me basais plus sur les médias étrangers que sur ma propre expérience. Je me suis ouvert au fait qu'il y a des raisons aux choses".

Nous arrivons au dessert et Carlos veut ajouter une dernière chose : "Quand ma famille est venue cet été, ce qui était intéressant fut la réaction de mes neveux, plus jeunes et qui ne regardent pas beaucoup les médias que leurs parents suivent. Et ils étaient en émerveillement constant, et parfois sur des choses dont je ne me rendais moi-même pas compte. Même mon neveu de 19 ans, un âge d'habitude où on est blasé de tout, a été ébahi. Ils ont surtout été impressionnés par le niveau d'évolution technologique, la propreté et le nombre de parcs à Beijing, ainsi que de la gentillesse des gens. Tellement que c'était la compétition pour savoir qui allait venir faire le marché avec moi tôt le matin. C'était à qui se lèverait le premier. Bon, les ados le matin... Mais encore une fois, ils étaient émerveillés à quel point les gens s'intéressaient à eux et étaient curieux de savoir qui ils étaient".

Nous sortons du restaurant et nous nous évanouissons dans la nuit, et alors que nous disparaissons, les souvenirs de ces quatre entretiens remontent à la surface. J'avais une vague idée de la direction que cet article pouvait prendre, mais finalement ces histoires personnelles m'ont amené à prendre des chemins inattendus, qui m'ont conduit aussi à revoir certains de mes préjugés et commencer à apprendre à mieux apprécier ma vie ici et ses habitants.

Rédigé par: Wang Siyang