Vers une coopération trilatérale : la coopération sino-française dans les énergies nouvelles aux yeux d'un professeur de finances
BEIJING, 18 janvier (Xinhua) -- Dans un contexte géopolitique mondial compliqué, la coopération sino-française s’avère de plus en plus importante, surtout celle avec des tierces parties, en énergies renouvelables ou énergies nouvelles. À mon avis, cette coopération est faisable pour cinq raisons : la faisabilité technologique, la faisabilité financière, la faisabilité historique et géopolitique, la faisabilité expérimentale et la faisabilité conforme à l’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR).
Le temps renverse les tendances
Technologiquement parlant, la coopération sino-française dans les énergies nouvelles est faisable. En fait, les relations technologiques France-Chine ont beaucoup évolué durant les quatre dernières décennies. Au lancement de la Réforme et de l’Ouverture de la Chine, la France en tant qu’économie développée et industrialisée était par défaut un exemple pour cette dernière qui venait d’entamer son processus d’industrialisation et de modernisation. Cependant, avec la croissance économique et le progrès technologique rapides chinois, les rôles se sont inversés. La Chine d’aujourd’hui est même plus avancée que les États-Unis dans nombre de domaines de haute technologie et que la France, surtout dans les domaines des « nouvelles économies ».
Aujourd’hui, si l’on prend en considération tous les indicateurs d’évaluation, les deux premières puissances vertes et numériques mondiales sont les États-Unis et la Chine. Étant un pôle de ce G2 et se trouvant sur le podium du secteur des énergies nouvelles, surtout en ce qui concerne l’économie verte, la Chine peut apporter beaucoup à la France pour combler les insuffisances et les lacunes de celle-ci dans les domaines de l’économie verte et numérique.
Financièrement parlant, la coopération sino-française en termes d’énergies nouvelles est faisable. Les relations France-Chine dans le secteur de la haute technologie ont été inversées, et il en va de même pour le financement. Cependant, aujourd’hui, ce qui inquiète la Chine, c’est l’excès de capitaux qui demandera de trouver des débouchés sur le marché tant domestique qu’international.
Quant à la France, son économie a souffert successivement de la crise de la dette souveraine, du COVID-19 et du conflit russo-ukrainien, entre autres. Comme la France a une économie basée sur les banques (bank-based economy) et que son marché financier joue un rôle plutôt « accessoire » par rapport aux États-Unis, sa capacité de financement actuelle ou son volume de capitaux disponibles est assez faible par rapport à ses besoins d’investissements.
En France, la demande budgétaire et les besoins d’investissements nécessaires pour la reprise économique post-sanitaire et pour d’autres objectifs à moyen et long terme deviennent tellement importants que le gouvernement français recourt de plus en plus à la stratégie d’émission de la dette souveraine. Quant au financement dans le secteur des énergies nouvelles, le budget que le gouvernement français a pu accorder n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Et pour cet écart ou ces déficits financiers « verts » français, les investisseurs chinois sont parmi les rares fournisseurs de capitaux ciblés sur le marché financier international.
De nouveaux acteurs entrent en jeu
Historiquement et géopolitiquement parlant, la coopération sino-française dans les énergies nouvelles est faisable. Reste à savoir qui peut être la tierce partie pour la France et la Chine dans le cadre des énergies nouvelles. En théorie, la réponse est simple : la tierce partie peut être tous les pays ou régions en dehors de ces deux parties. Mais en réalité, les conditions pour choisir cette tierce partie sont assez exigeantes, il faut au moins avoir des avantages concurrentiels partagés et suffisants des deux parties sur le territoire de la tierce partie afin de justifier la nécessité et d’assurer la durabilité de cette coopération tripartite.
Je citerai les pays africains francophones en tant que potentielles tierces parties. Si cette coopération peut se produire en Afrique avec les pays francophones, c’est que ces derniers ont un lien historique et géopolitique étroit avec la France métropolitaine. Pour certains de ces pays francophones, ce lien avec la France a même été renforcé par le biais de communautés ou paracommunautés, et d’unions ou paraunions, comme la Communauté financière d’Afrique (CFA) qui exerce aujourd’hui encore une influence majeure sur la vaste zone CFA et sur les relations France-Zone CFA. Il est donc évident qu’une entreprise chinoise spécialisée dans les énergies nouvelles qui a l’intention d’implanter son marché dans la zone CFA a tout intérêt à choisir un partenaire français pour bénéficier des avantages historique et géopolitique de la francophonie.
Expérimentalement parlant, la faisabilité de la coopération sino-française en termes d’énergies nouvelles a été justifiée par des cas d’études et des projets de coopération sino-française en Afrique.
J’en citerai ici juste deux exemples réussis et convaincants : le projet de construction et de gestion d’ingénierie hydraulique dans le cadre d’investissements en énergies nouvelles opéré par un groupe hydraulique chinois et un partenaire français en Afrique ; le projet de gestion et de solution des énergies vertes dans le contexte de l’objectif « double carbone » opéré par une succursale chinoise d’un groupe électrique français en Afrique.
Enfin, la coopération sino-française dans les énergies nouvelles justifiée par et en conformité avec l’ICR est faisable. L’initiative a été conçue pour tous les pays du monde afin de mettre en place une communauté de destin pour l’humanité. Elle est particulièrement bien accueillie dans les pays à bas revenu dont une partie se situe en Afrique, notamment dans les pays francophones africains qui sont étroitement liés à la France métropolitaine.
Ainsi, la faisabilité de la coopération sino-française en termes d’énergies nouvelles est technologiquement, financièrement, historiquement et géopolitiquement ainsi qu’expérimentalement justifiée en conformité avec l’ICR. Encore est-il intéressant de noter qu’il faudrait se baser sur le fondement économique et le fondement technologique des projets en évitant de les politiser, ainsi que sur les intérêts des trois parties, notamment sur ceux de la tierce partie, souvent « négligés », pour assurer une situation gagnant-gagnant sur le long terme pour la Chine, la France et la tierce partie en matière de coopération dans les énergies nouvelles. Fin
(Source : La Chine au présent)
(Auteur : ZHAO YONGSHENG, professeur de finances, directeur du Centre de recherche sur l’économie française, et chercheur à l’Académie d’innovation et de gouvernance globales de l’Université de commerce international et d’économie (UIBE))