L'évolution des chemins de fer kenyans sur un siècle (1) : la partition européenne de l'Afrique
Des personnes visitent le Musée du chemin de fer de Nairobi à Nairobi, au Kenya, le 27 novembre 2023. (Xinhua/Li Yahui)
A l'entrée du Musée du chemin de fer de Nairobi, le chemin de fer centenaire, initialement baptisé Uganda Railway du nom de sa destination, est présenté sur une carte de l'Afrique de l'Est. Construit entre 1896 et 1901, il partait de la ville portuaire de Mombasa, sur la côte de l'océan Indien, et s'étendait vers le nord-ouest pour s'arrêter à Port Florence, aujourd'hui Kisumu, sur les rives du lac Victoria.
NAIROBI, 27 février (Xinhua) -- "Il n'est pas rare qu'un pays crée un chemin de fer, mais il est rare qu'un chemin de fer crée un pays", a déclaré Sir Charles Eliot, alors commissaire de l'Afrique de l'Est britannique, en 1903.
Eliot, qui a lancé, selon le site internet de l'Encyclopaedia Britannica, "la politique de suprématie blanche dans le Protectorat britannique d'Afrique de l'Est (aujourd'hui le Kenya)", faisait référence au chemin de fer à voie métrique construit par les colonialistes britanniques en Afrique de l'Est entre 1896 et 1901.
Ce chemin de fer, emblématique de l'expansion de la civilisation occidentale, a conduit les colons blancs sur le continent africain en quête d'aventure et de conquête coloniale, et a été le témoin du processus d'éveil du Kenya et de sa lutte pour l'indépendance.
"Il y a ceux qui l'ont loué (le chemin de fer) comme un élément clé dans la naissance du Kenya, ou ce que nous appelons la naissance d'une nation, et ceux qui sont plus enclins à dire qu'il a joué un rôle dans la colonisation du Kenya", a déclaré Dennis Munene, directeur exécutif du Centre Chine-Afrique, lors d'une interview à Xinhua.
"Nous célébrons aujourd'hui notre indépendance depuis 60 ans. Et nous continuerons toujours à regarder derrière nous ce qui s'est passé. Nous allons guérir de nos blessures et faire en sorte que le Kenya atteigne un meilleur niveau de développement", a dit M. Munene.
A l'entrée du Musée du chemin de fer de Nairobi, le chemin de fer centenaire, initialement baptisé Uganda Railway du nom de sa destination, est présenté sur une carte de l'Afrique de l'Est.
Construit entre 1896 et 1901, il partait de la ville portuaire de Mombasa, sur la côte de l'océan Indien, et s'étendait vers le nord-ouest pour s'arrêter à Port Florence, aujourd'hui Kisumu, sur les rives du lac Victoria.
Pour comprendre la naissance du chemin de fer, il faut évoquer la conférence de Berlin de 1884-1885. Au cours de cette conférence, le Royaume-Uni et d'autres puissances occidentales ont discuté des règles de colonisation et de partage de l'Afrique, telles que l'"occupation effective".
Paradoxalement, aucun représentant africain n'a assisté à cette conférence décisive pour le destin de l'Afrique. Une semaine avant sa clôture, le journal Lagos Observer commentait : "Le monde n'a peut-être jamais été témoin d'un vol d'une telle ampleur".
"Après la clôture de la conférence, les puissances européennes ont étendu leurs revendications en Afrique de telle sorte qu'en 1900, les Etats européens avaient revendiqué près de 90% du territoire africain", écrit l'Encyclopédie de l'Afrique.
Le dirigeant révolutionnaire russe Vladimir Lénine a souligné dans son livre de 1917, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, que "lorsque les neuf dixièmes de l'Afrique avaient été saisis (en 1900) et que le monde entier avait été divisé, l'ère de la possession monopolistique des colonies et, par conséquent, de la lutte particulièrement intense pour la division et la redivision du monde, s'ouvrait inévitablement".
Pour renforcer son contrôle sur l'"Afrique de l'Est britannique", le gouvernement britannique a construit une voie ferrée pour contrôler l'ensemble du bassin du Nil, qui prend sa source dans le lac Victoria.
Cependant, le projet suscite le mécontentement du parlement et des médias britanniques, car son coût, estimé à cinq millions de livres, est jugé exorbitant. Le politicien britannique Henry Labouchère a même écrit un poème dans lequel il se moque du chemin de fer en le qualifiant de "lunatic line" (ligne lunatique).
Pourtant, aux yeux des colonisateurs, le jeu en valait la chandelle. La construction du chemin de fer n'était pas seulement une étape dans la partition de l'Afrique, mais aussi un élément de la construction du système colonial impérialiste.
"Quelle que soit la puissance qui domine l'Ouganda, elle maîtrise le Nil, le maître du Nil dirige l'Egypte, le souverain de l'Egypte tient le canal de Suez", écrit Charles Miller en 1971 dans son livre The Lunatic Express : An Entertainment in Imperialism, qui a valu son surnom au chemin de fer.