Vin : la relève Changyu
Le château et ses vignes
Les châteaux vinicoles français ont du souci à se faire : sur la nouvelle scène du vin, l’entreprise Changyu, qui possède une histoire plus que centenaire, est bien décidée à se faire une belle place au niveau international. Nous avons visité son château aux environs de Beijing, dans le district de Miyun.
Le château Changyu AFIP Glo-bal a été achevé en juin 2007. Il a été financé par la Yantai Changyu Winery Co., Ltd, ainsi que par les États-Unis, l’Italie et le Portugal qui y ont investi plus de 500 millions de yuans. Il a également été largement soutenu par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV); le président honoraire de cette organisation, le Français Robert Tinlot, est le président d’honneur du château. Ce projet gigantesque, qui couvre environ 800 mu (un mu = 1/15 ha), est considéré par l’OIV comme le nouveau modèle du château global.
Une entreprise florissante
C’est en 1892 que Chang Bishi (1841-1916), un riche homme d’affaires chinois, importa plus de cent variétés de cépages pour démarrer son entreprise viticole à Yantai (Shandong). C’était la première à produire du vin de manière industrialisée en Chine. Il décida de nommer sa société Changyu, en référence à son nom et au caractère chinois yu signifiant « prospérité ». Son neveu, Chang Chengqing, cofondateur de la société, fut le premier directeur de l’entreprise Changyu. Il a été à l’origine de la construction de la Grande Cave du château de Yantai, qui fut à l’époque la plus grande cave d’Asie.
En quelques années, l’entreprise Changyu se développa et devint une marque de vin renommée en Chine. De grands acteurs de l’époque en faisaient l’éloge dans des publicités, et Sun Yat-Sen, précurseur de la révolution chinoise et ami de Chang Bishi, vanta ses mérites à plusieurs reprises.
En 1915, pour célébrer la fin du chantier du canal de Panama, les États-Unis organisèrent une grande exposition à San Francisco. Pour quatre sortes de ses vins, le groupe Changyu reçut des médailles d’or. C’était la première fois que le vin chinois obtenait cet honneur spécial sur la scène mondiale.
Dès 1997 et pendant dix ans consécutifs, la part de marché du vin de Changyu s’est placée première du pays. En 2005, Changyu était l’une des vingt plus importantes entreprises de vin au niveau international. Elle fait aujourd’hui partie des dix chefs de file mondiaux dans le domaine vinicole (à la septième place), mais vise encore plus haut.
En 2009, période de mondialisation, Changyu a annoncé la création de l’alliance internationale de sept châteaux réputés : le château Changyu AFIP Global, le château Changyu Golden Valley Icewine (Liaoning), le château Changyu Castel (Yantai), les châteaux de Liversan et de Santenay en France, le Château Changyu Pioneer en Sicile ainsi que le château Changyu Kely Estate en Nouvelle-Zélande. Dans les trois ou cinq années à venir, il est très possible que Changyu continue à développer son alliance internationale et réalise une coopération avec des châteaux mondialement célèbres, notamment américains et australiens.
Un site exceptionnel
À proximité du château, au milieu des vignes, se trouve une reproduction fidèle de village français : de l’avenue Bacchus à l’avenue Dionysos, le visiteur peut se promener le long des ruelles pavées et découvrir des petits cafés (entre autres, le joli Café le Magicien) et des bars (il trouvera même un bar à cigares, où l’on peut savourer d’authentiques cigares cubains dans une atmosphère élégamment feutrée), des boutiques vendant les produits et souvenirs de la société, un bureau de poste qui remplit réellement ses fonctions, et une église trônant sur la grande place. « Ce n’est pas réellement une église, nous précise obligeamment le directeur du marketing, mais nous trouvions que le bâtiment donnait un cachet authentique supplémentaire. » Bien vu ! En effet, même si tout respire le neuf, le village est impressionnant de réalisme. Il offre différentes sortes de chambres pour les hôtes (traditionnelles, luxueuses ou encore plus rustiques), un bâtiment réservé au spa et autres soins du corps, plusieurs restaurants et autres lieux pour l’organisation de conférences et de séminaires. En semaine, le village est assez peu fréquenté, rempli seulement à hauteur de 20 % de ses capacités, mais il fait le plein le week-end, accueillant surtout des Chinois venus profiter pour un jour ou deux de la nature et de l’atmosphère occidentale.
Une des places du village
Pendant la saison des vendanges, les clients peuvent cueillir eux-mêmes et déguster le raisin dans l’espace qui leur est réservé. En dehors de cette saison, ils peuvent toujours visiter le musée du vin, dans le château, et l’impressionnante cave.
Le musée, très didactique, offre plusieurs facettes : on y découvre l’histoire de la société Changyu, de sa fondation à nos jours, des renseignements généraux sur le vin et sa fabrication, et on peut même y suivre les différentes étapes de la fabrication du vin Changyu. Il est accessible pour 60 yuans, et il faut compter 100 yuans pour une visite avec dégustation.
La cave, qui fait plus de 3 000 m2, garde constamment une température d’environ 14 degrés Celsius et une humidité de 70 à 80 %, afin de conserver au mieux les milliers de litres de vin qui y sont entreposés. Elle compte environ 550 fûts, dont la plupart sont importés de France; ces fûts contiennent chacun 225 litres, soit l’équivalent de 300 bouteilles. Dans la cave se trouve un territoire privé: derrière des grilles, certaines personnalités font entreposer leurs bouteilles; on retrouve des noms d’acteurs, d’entrepreneurs ou de présentateurs de télévision chinois.
Un restaurant occidental, au rez-de-chaussée, donne directement sur la magnifique cave : il est ainsi possible de voir d’où vient le vin que l’on est en train de déguster. D’autres restaurants, de style chinois, sont également à disposition.
Les produits Changyu, stars de l’endroit
Dans tous les endroits du domaine, le vin Changyu est mis à l’honneur. Que ce soit dans les différents restaurants et bars, les boutiques, le musée ou le bâtiment de réception, on peut trouver les différents produits du groupe.
Depuis sa fondation, le groupe a invité à plusieurs reprises des spécialistes étrangers pour être vinificateurs ou conseillers techniques, afin de se perfectionner en viticulture et en viniculture. Il a en outre, dès 1958, fondé la première école supérieure de formation en vin. Se sentant investi d’une mission (faire connaître la culture du vin aux Chinois), le site de Beijing, comme les autres sites du groupe, accueille aujourd’hui encore des jeunes Chinois souhaitant être formés dans ce domaine, un nouveau secteur en plein essor en Chine.
Les principaux cépages cultivés sont très connus : Cabernet Sauvignon, Cabernet Gernischt, Merlot, Syrah et Cabernet Franc pour le vin rouge. Les variétés destinées au vin blanc rassemblent le Chardonnay, le Weiper Riesling, le Ugni Blanc, le Sauvignon Blanc et le Semillon. Le Cabernet Sauvignon et le Chardonnay sont les principaux produits du château de Beijing. On les trouve dans des hôtels haut de gamme, magasins et restaurants de tout le pays.
Parmi les produits Changyu, c’est le Cabernet qui est le plus vendu; le cépage Cabernet Gernischt en est la matière première. Vin rouge sec le plus ancien de Chine, le Cabernet de Changyu a une histoire d’environ 70 ans. Le vin de glace, produit au Liaoning, tient également une bonne place dans les ventes. Le groupe commercialise aussi un vin pétillant, fabriqué à partir de Chardonnay, en suivant des règles identiques à celles du champagne français, un vin médicamenteux et quelques liqueurs.
Le château de Beijing propose en outre des services amusants, notamment la personnalisation des étiquettes des bouteilles : il est possible de fournir une photo privée que l’entreprise imprime sur les étiquettes et colle sur place sur les bouteilles. Sont également disponibles des étiquettes pour différentes occasions, notamment les mariages ou les naissances.
Le marketing de l’entreprise est donc bien rodé. En tenant compte du déclin progressif de la crise financière mondiale et de la connotation culturelle du vin de jour en jour plus répandue, les efforts du groupe seront peut-être bientôt payés de retour. « L’avenir du vignoble mondial est en Chine », a récemment affirmé Robert Tinlot, qui voit la culture viticole de ce pays se développer constamment en quantité et en qualité, et qui pense que la Chine recèle des conditions locales particulièrement favorables à cette culture.