Opportunités émergentes
Ehizuelen Michael Mitchell Omoruyi, directeur général de l'Institut des études africaines de l'Université normal du Zhejiang, examine comment le capital chinois, la technologie, les marchés, les entreprises, et l'expérience en développement de la Chine combinés aux ressources de l'Afrique, à son énorme dividende démographique et à son marché potentiel représentent une occasion de créer un autre miracle du développement, tant pour l'Afrique que pour le Nigéria.
Les Chinois n'espèrent plus reconstruire la Grande Muraille, mais se consacrent à la reconstruction de la Route de la soie, dans un esprit consultatif, contributif et de partage, qui demeure le concept de l'initiative des Nouvelles Routes de la soie. Il ne s'agit pas de la première tentative de relancer l'ancienne route commerciale. On compte notamment celles de l'Union européenne, des États-Unis, de la Russie et même de l'Inde.
Ce qui rend l'entreprise chinoise différente, ce sont les engagements du pays, ainsi que les nombreux accords qu'il a déjà signés avec les pays partenaires et les organisations internationales le long de l'itinéraire. De par l'initiative, des milliards de dollars vont être injectés dans les infrastructures internationales – principalement les chemins de fer et les routes qui s'étendent à travers l'Asie, le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique – afin de stimuler le commerce. À ce titre, le Président chinois Xi Jinping a déclaré au Forum de « la Ceinture et la Route » pour la coopération internationale, en mai dernier à Beijng, que la seule façon de réaliser cette perspective de développement était d'avoir un environnement de stabilité globale, en réponse à l'émergence d'un apparent protectionnisme sur la scène mondiale. Dans la même veine, il a encore ajouté qu'il était nécessaire de coordonner les politiques avec les objectifs de développement des institutions, comme la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), l'Association des Nations de l'Asie du sud-est (ASEAN), l'Union africaine (UA) et l'Union européenne (UE). La Chine a également promis d'injecter 124 milliards de dollars dans l'initiative.
Sur le plan général, la Chine prend désormais davantage de responsabilités à l'échelle mondiale et dispose des fonds nécessaires pour le faire. Plus de 100 pays et organisations internationales ont déjà pris part à cette initiative, et plus de 40 d'entre eux ont signé des accords de coopération avec la Chine.
Connexion africaine
L'Afrique a un lien naturel et historique avec les Routes de la soie. Au XV siècle, le navigateur chinois Zheng He, à la tête d'une flotte de 300 navires, a établi les premiers contacts vers le continent.
Avec une superficie de plus de 30 millions de km, 1,2 milliard d'habitants (les jeunes représentant plus de 50 % du chiffre), 800 millions d'hectares de terres arables et d'immenses ressources naturelles, l'Afrique est incontestablement un pilier important de l'économie mondiale. La plupart des pays africains s'efforcent aujourd'hui d'industrialiser et de diversifier leurs économies. De son côté, la Chine a accumulé une longue expérience en la matière, après quarante années de réforme et d'ouverture. La combinaison de ces facteurs offre donc un potentiel énorme en termes de développement.
Le Nigéria, lui, occupe une place stratégique en Afrique et représente une puissance régionale et continentale qui, depuis l'indépendance, a adopté et maintenu une neutralité politique dans ses relations extérieures. En raison de son influence, mais aussi de sa confiance en lui-même en tant qu'acteur mondial majeur (réel ou latent), le pays s'est senti inspiré pour prendre un rôle actif sur le continent africain par sa politique étrangère sur des questions internationales d'importance. En raison de sa puissance économique et politique, le Nigéria est sans doute incontournable pour tous les acteurs qui cherchent à s'insérer dans les jeux de pouvoir stratégique, économique et autre, en Afrique. La nation est riche en ressources, et dispose d'une population jeune, diverse, et qui pourrait atteindre plus de 203 millions en 2025, faisant du Nigéria un pays propice à la consommation.
La Chine et le Nigéria sont des partenaires stratégiques partageant des cultures similaires, des antécédents historiques – ils célèbrent leur journée nationale le même jour – et ont des économies très complémentaires. Leur relation d'amitié a porté des fruits riches couvrant presque tous les domaines ces dernières années, et comme l'a suggéré Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères lors de sa visite à Abuja en janvier, « en termes de taille, de population et de marché, la coopération entre les deux pays possède d'un grand potentiel à approfondir. » En outre, lors de sa tournée dans quatre nations d'Afrique de l'Ouest en mai dernier, le ministre a rappelé que « dans le passé, la Chine a soutenu les nations africaines pour atteindre l'indépendance politique. » Cette fois, le peuple chinois est donc disposé à soutenir les nations africaines dans leur quête de l'indépendance économique, à travers la plateforme des Nouvelles Routes de la soie. Ainsi, compte tenu des stratégies de développement du Nigéria et de la Chine, les deux États semblent être sur la même longueur d'ondes, avec à la clé, une coopération renforcée.
Les leçons du passé
Après de nombreuses années de dépendance excessive à l'égard du pétrole, les autres secteurs économiques du Nigéria ont été délaissés, de même que la grande réserve de main-d'œuvre disponible. Le gouvernement œuvre à la diversification de son économie, mais aussi en direction de la formation d'un personnel qualifié, capable d'assumer les responsabilités de cette nouvelle ère.
Pendant ce temps, la Chine, à travers des plateformes comme le Forum sur la Coopération sino-africaine, l'initiative des Nouvelles Routes de la soie et de nombreux autres mécanismes, montre sa volonté de partager son expérience et d'atteindre un développement commun avec d'autres nations. À terme, le Nigéria pourra introduire les méthodes, la technologie et les talents les plus avancés dans tous les secteurs en Chine. Toutefois, brûler les étapes est aussi une question à laquelle s'est retrouvée confrontée la Chine, mais si le pays s'en est sorti par sa politique de réforme et d'ouverture, alors le Nigéria le peut également.
Au cours de la dernière décennie, la Chine est devenue un partenaire économique majeur du Nigéria. Le Nigéria est le meilleur marché en matière d'ingénierie de la Chine, le deuxième plus grand marché d'exportation, le troisième plus grand partenaire commercial et une destination importante pour l'investissement en Afrique. Le commerce entre les deux pays est passé de 2 milliards de dollars en 2005 à 6,5 milliards de dollars au cours des cinq premiers mois de 2017, soit une augmentation de 33 % par rapport à la même période en 2016, représentant 7,6 % du volume total des échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique et 36,4 % du volume total des échanges commerciaux entre la Chine et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Les investissements chinois au Nigéria ont augmenté de 27 % l'année passée.
Accompagnant l'investissement, la technologie chinoise est également entrée au Nigéria, permettant de stimuler la diversification et le développement de l'économie. Avec ces atouts, le Nigéria a désormais toutes les cartes en mains pour devenir une autre manufacture mondiale.
Compte tenu de l'économie, de la population et du marché des pays ayant intégré les Nouvelles Routes de la soie, l'initiative aura un grand impact sur l'économie mondiale au cours des prochaines années. À cet égard, la construction de la zone de libre-échange de Lekki est importante dans le but de réduire la dépendance du Nigéria aux importations. Le port de Lekki, qui devrait être achevé en 2018, peut fonctionner comme un carrefour commercial prolongeant l'initiative des Nouvelles Routes de la soie sur la partie ouest du continent africain.