À l’école primaire Chengdu à Montpellier, une enseignante enseigne le chinois aux enfants français. (Chinatoday)
Lors de la cérémonie d’ouverture du Festival international des sports extrêmes (FISE) en 2014 à Chengdu, Robert Cotte, alors adjoint au maire de Montpellier, a tenu un discours, d’une voix émue. Il a rappelé qu’en juin 1981, Chengdu et Montpellier avaient officialisé leur amitié dans le cadre d’un jumelage. En ce temps-là, la Chine venait de lancer, à peine trois ans plus tôt, sa politique de la réforme et de l’ouverture. Chengdu et Montpellier sont les premières villes chinoise et française à avoir conclu un accord de jumelage. « Ce ne fut pas une mince affaire à l’époque », se souvient M. Cotte. Mais cet événement a marqué le début d’une belle amitié entre la Chine et la France.
Chef-lieu de la province du Sichuan, Chengdu constitue un centre économique majeur de l’ouest de la Chine. Voilà plus de 37 ans qu’elle s’est liée d’amitié avec Montpellier, et désormais, les deux villes entretiennent une coopération vaste et approfondie dans divers domaines, notamment l’enseignement, la santé, le sport, l’économie et le commerce.
Au fil de ces années d’interaction, nombre de représentants du gouvernement et d’hommes d’affaires montpelliérains sont venus en visite à Chengdu. Tous ont été témoins du développement impressionnant de cette ville chinoise, s’avouant surpris par les changements rapides qui ont eu lieu. Quant aux habitants de Chengdu impliqués dans les échanges dans le cadre du jumelage, ils se sont dits profondément touchés par la chaleur et la gentillesse des Montpelliérains, attestant de l’amitié durable au travers des décennies.
La naissance du jumelage
Dans les archives de la ville de Chengdu, deux documents précieux ayant trait à Montpellier ont été conservés avec soin. L’un est un extrait du passeport de Li Jieren, écrivain réputé du Sichuan, qui certifie son séjour d’études en France entrepris il y a un siècle. L’autre est l’accord, en version bilingue chinois-français, par lequel Chengdu et Montpellier ont établi leur jumelage le 22 juin 1981.
En octobre 2014, une délégation du conseil municipal de Montpellier a fait le déplacement jusqu’à Chengdu. Dans une intervention publique à la Maison de Montpellier à Chengdu, Chantal Marion, vice-présidente du développement économique pour Montpellier Méditerranée Métropole, est revenue sur la première prise de contact entre les deux villes : « Il y a une centaine d’années, Montpellier avait accueilli des chercheurs invités de Chengdu. Dès lors, le responsable de l’action internationale de Montpellier s’était rendu à Chengdu à moult reprises, plus d’une quarantaine fois, en vue de promouvoir le jumelage des deux villes, finalisé en 1981. »
Chengdu et Montpellier ont signé pas mal de « grandes premières » dans l’histoire de l’amitié sino-française : par exemple, la mise en place du premier diplôme universitaire en médecine traditionnelle chinoise sur le continent européen ; l’établissement réciproque, pour la première fois dans l’histoire des échanges sino-français, d’une école portant le nom de la ville jumelle ; la fondation à Chengdu du premier (et unique) bureau de représentation de Montpellier à l’étranger, désigné « la Maison de Montpellier ».
En 2011, en célébration du trentenaire du jumelage, la mairie de Montpellier a décidé de construire un nouvel établissement primaire qu’elle a baptisé « l’école primaire Chengdu », laquelle a ouvert ses portes à la rentrée de 2013. En réponse à ce geste d’amitié et aux fins d’approfondir les échanges et la coopération avec Montpellier dans l’enseignement élémentaire, Chengdu a également établi une « école primaire Montpellier » dans l’un de ses nouveaux parcs de hautes technologies. C’est en octobre 2014 que l’école primaire Montpellier à Chengdu a accueilli ses premiers élèves. Bai Ling, fonctionnaire du Bureau des affaires étrangères de Chengdu qui était présent ce jour-là, a décrit : « Ce fut une cérémonie d’inauguration très animée, où tout le monde était fort enthousiaste. » Les deux écoles, dont les plans ont été dessinés par le même architecte français, présentent un style architectural fort similaire, volontairement « axé sur l’élève » pour une pédagogie multimodale. En effet, les enfants acquièrent des connaissances aussi bien en classe qu’à l’extérieur, puisque ces établissements comprennent des salles de lecture et des espaces éducatifs ouverts, avec une cour agrémentée de plates-plantes de fleurs.
À vrai dire, cette coopération entre Chengdu et Montpellier dans le milieu éducatif n’avait rien de nouveau. Dans chacune des deux villes, plusieurs écoles primaires, collèges et lycées dispensent respectivement, parfois depuis longtemps, des « classes Rabelais » et des cours de chinois. Il existe déjà six établissements qui proposent des cours de chinois à Montpellier, cette dernière étant même devenue la première ville française où le mandarin est enseigné aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. En outre, chaque année pendant les vacances scolaires d’été et d’hiver, des échanges linguistiques et culturels sont organisés au profit des élèves des deux villes, en vue de favoriser la compréhension mutuelle entre les jeunes chinois et français.
En mai 2016, des élèves de l’école primaire Montpellier à Chengdu posent devant l’Arc de triomphe lors d’un voyage scolaire en France. (Chinatoday)
L’élargissement de la coopération
On pourrait comparer l’amitié entre les deux villes à un vin de garde, qui se bonifie avec le temps. Rappelons que Montpellier, 7e plus grande ville française située dans le sud de la France, bénéficie d’un doux climat méditerranéen propice à la viticulture. De l’autre côté, la province du Sichuan dont Chengdu est le chef-lieu est la région d’origine du baijiu (« vin blanc » littéralement), une eau-de-vie obtenue à partir de céréales. La production d’alcool constitue donc un trait commun qui rapproche ces deux contrées lointaines.
En 2012, un événement établissant un « dialogue entre le vin rouge et le baijiu » a eu lieu à la place Comédie de Montpellier sur trois jours. Une foire d’exposition et de négociation entre les producteurs de baijiu de Chengdu et les vignerons de Montpellier, offrant l’occasion aux deux parties de faire découvrir au public leurs spécialités locales respectives (d’un côté, le vin rouge du sud de la France ; de l’autre, l’alcool, le thé et les collations du Sichuan).
Li Xiaoyu travaille au sein de la Maison de Montpellier à Chengdu depuis 2011. Il nous a indiqué que cet établissement doit son nom à Hélène Mandroux, maire de Montpellier à l’époque, qui espérait que ce bureau de représentation serait toujours plus proche des peuples.
Mme Mandroux a contribué à l’amitié entre les deux villes et a été témoin des résultats obtenus. Sous son impulsion, Montpellier Méditerranée Métropole a invité Chengdu à déposer sa candidature pour devenir en 2014 l’une des villes hôtes du FISE, première compétition de sports extrêmes en Europe et deuxième au monde. Finalement, l’édition 2014 du FISE s’est déroulée à la fois à Chengdu (Chine), à Montpellier (France), à Malacca (Malaisie) et dans la principauté d’Andorre.
Depuis, Chengdu a organisé cinq fois le FISE, l’événement remportant chaque année un franc succès. Pour la ville, c’est non seulement une opportunité de développer l’industrie du sport localement, mais aussi d’accroître son rayonnement dans le monde.
Outre les milieux éducatif et sportif, Chengdu et Montpellier mènent une coopération fructueuse dans le domaine de la santé. Selon Wang Peng, fonctionnaire du Bureau des affaires étrangères de Chengdu, Montpellier est une ville française réputée pour ses prouesses en médecine. En 2014, le Bureau de santé de Chengdu, Montpellier Méditerranée Métropole et le Centre hospitalier universitaire de Montpellier ont ratifié un mémorandum sur la coopération médicale entre les deux villes.
En octobre de la même année, l’Institut de recherche sur les maladies endocriniennes et métaboliques Chengdu-Montpellier a été fondé dans le Premier Hôpital du peuple de Chengdu, tandis que l’Institut de recherche sur les maladies du vieillissement Chengdu-Montpellier a été créé dans le Cinquième Hôpital du peuple de Chengdu. Depuis, les deux villes organisent régulièrement des échanges et visites entre le personnel de santé. À l’avenir, la coopération devrait s’accentuer dans les disciplines de la recherche médicale et de la pratique clinique.
Toujours en 2014, l’université des sciences électroniques et technologiques de Chine à Chengdu et l’université Montpellier II ont conjointement établi un institut Confucius. Cet institut Confucius, le premier en France à avoir vu le jour à l’initiative d’une paire d’universités dédiées aux sciences et technologies, leur a valu un prix de la coopération décentralisée Franco-chinoise. Cet institut Confucius, dont l’objectif est d’enseigner la langue chinoise et de diffuser la culture traditionnelle chinoise, permettra de favoriser les échanges universitaires entre Chengdu et Montpellier.
Philippe Saurel, qui a succédé à Mme Mandroux à la fonction de maire de Montpellier, connaît bien les réalisations qui ont été accomplies avec Chengdu et attend beaucoup de la coopération avec cette ville chinoise. En 2016, certains élèves de l’école primaire Montpellier à Chengdu ont effectué un séjour à Montpellier, notamment pour assister à la cérémonie d’ouverture du FISE. À cette occasion, ils ont donné un spectacle reprenant le concept du film Kung-fu Panda, pour le plus grand plaisir du public. M. Saurel a rencontré et remercié ces petits acteurs après la représentation. En octobre 2017, M. Saurel a encore accueilli un invité spécial dans la mairie de Montpellier : Yuan Yuchen, élève de l’école primaire Montpellier à Chengdu. M. Saurel a reçu des mains de ce « petit ambassadeur » une invitation le conviant à venir à Chengdu, un voyage qu’il a entrepris avec joie une dizaine de jours plus tard seulement. M. Saurel a commenté : « Finalement, j’ai eu le sentiment de rentrer à la maison. »
Dans une interview, M. Saurel a livré ses impressions sur Chengdu, suite à sa première escapade en Chine. « Je pense que Montpellier pourrait apprendre de l’expérience de Chengdu en matière d’aménagement du territoire, puisque la ville a réussi à trouver l’équilibre entre zones résidentielles et zones industrielles, en préservant la propreté et le charme des lieux. Nous aimerions bien mettre en œuvre une planification urbaine aussi efficace que celle de Chengdu. » Il a cité comme exemples la route South Renmin Road et l’extension de la ligne de métro vers le sud, illustrant la planification réfléchie de Chengdu. « La ville de Montpellier attache également une grande importance à l’urbanisme, prévoyant de grands projets et mettant à l’honneur les divers styles architecturaux. Par conséquent, les deux villes ont tout intérêt à mener des échanges approfondis à ce niveau. »
Les 19 et 20 mai 2018, Gilbert Pastor, vice-président de Montpellier Méditerranée Métropole, a conduit une délégation en Chine, dans le cadre de l’organisation de la Foire globale d’innovation et d’entreprenariat (GIEF) et du Forum d’innovation des maires des villes jumelles internationales de Chengdu, ce qui a encore conforté l’amitié entre les deux villes.
Un avenir prometteur
L’initiative « la Ceinture et la Route » apportera de nouvelles opportunités de coopération sino-française. Dans ce contexte, Chengdu et Montpellier devraient à l’avenir développer leur interaction.
« La coopération dans le cadre du jumelage est un moyen efficace de multiplier les échanges internationaux, et les projets conjoints sont porteurs d’amitié. Grâce à l’initiative “la Ceinture et la Route” et d’autres grands programmes de coopération, les deux villes resserrent leurs liens pour bâtir ensemble une communauté de destin pour l’humanité », a affirmé Wu Zhijuan, vice-directrice du Bureau des affaires étrangères de Chengdu, pleine d’espoir à l’égard de la coopération future entre les deux villes.
Dans la coopération commerciale, la marge de progression est colossale, puisque d’une part, Montpellier est une terre de vignobles, et d’autre part, elle abrite une multitude de PME compétitives sur les marchés internationaux de l’agroalimentaire, du textile et des TIC. Chengdu et Montpellier ont donc tout lieu de consolider leurs échanges et coopérations via les divers salons et foires commerciaux internationaux.
Dans la construction d’hôpitaux et l’aménagement d’installations médicales, Chengdu ne manque pas de ressources. Chengdu et Montpellier espèrent donc pouvoir mutualiser leurs capacités (capital, main-d’œuvre qualifiée, technologies, méthodes de gestion, etc.), afin de promouvoir la coopération dans la construction d’hôpitaux, la recherche médicale, l’industrie pharmaceutique, la prévention et la maîtrise des maladies, etc.
Dans la coopération éducative, Chengdu et Montpellier ont déjà réalisé des bonnes performances, avec non seulement des échanges universitaires continus, mais aussi l’édification commune d’écoles secondaires, primaires et même maternelles.
Dans la coopération sur l’innovation et l’entrepreneuriat, d’un côté, Montpellier présente une riche expérience, surfant sur le label de la « French Tech ». Cette ville abrite plusieurs incubateurs et pépinières d’entreprises, ainsi que des parcs technologiques. De l’autre, les scientifiques et techniciens talentueux sont légion à Chengdu, ville qui s’efforce d’instaurer un climat favorable à l’innovation. Ainsi, les précieuses expériences de Montpellier pourront inspirer Chengdu. Il convient pour les deux villes d’élargir leur coopération en matière d’innovation, notamment en organisant des séminaires, en scellant des partenariats entre les firmes chinoises et française et en construisant conjointement des centres de coopération technologique.
En résumé, Chengdu et Montpellier, deux grandes villes séparées par près de 8 000 km de distance, se sont retrouvées liées par un fabuleux destin, qui les ont amenées à convenir d’un jumelage. À l’avenir, ces deux villes jumelles devront saisir les occasions de resserrer leurs relations, pour atteindre un niveau inédit de coopération.