C’est lors de sa visite au Pakistan en mai 2013 que le premier ministre chinois Li Keqiang a proposé pour la première fois l’idée d’établir un Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC selon l’acronyme anglais), dans l’objectif de renforcer l’interconnexion entre les deux pays et de promouvoir leur développement commun.
Le 20 avril 2015, lors de sa visite d’État au Pakistan, le président chinois Xi Jinping a souligné l’importance de former une structure de coopération « 1+4 » avec le CPEC en son centre et de réaliser un développement commun autour de quatre domaines clés : le port de Gwadar, l’énergie, la construction d’infrastructures et la coopération industrielle. Au bout du compte, les fruits du développement devraient profiter non seulement au peuple pakistanais, mais aussi aux peuples de toute la région.
Le CPEC se traduit par un réseau de 3 000 km de routes, lignes ferroviaires, oléoducs/gazoducs et fibres optiques qui couvre un corridor allant de Kashgar (dans le Xinjiang, en Chine) à Gwadar (ville portuaire située au sud du Pakistan). Connectant la Ceinture économique de la Route de la Soie dans le nord et la Route de la Soie maritime du XXIe siècle dans le sud, elle joue un rôle vital dans l’initiative « la Ceinture et la Route ».
Le 19 mars 2019, Wang Yi, conseiller d’État et ministre chinois des Affaires étrangères, a qualifié le CPEC de projet emblématique de la coopération Chine-Pakistan dans la nouvelle ère et de projet pilote majeur dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Il a également souligné que le CPEC n’était pas confiné à certaines régions spécifiques, mais s’adressait au pays dans son intégralité. Ainsi, le projet devrait être étendu à l’avenir.
Un grand projet à l’influence considérable
Approuvé par les deux gouvernements, le Plan à long terme 2017-2030 du Corridor économique Chine-Pakistan a été promulgué en décembre 2017. Il établit un lien étroit entre l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » et la stratégie de développement pakistanaise « Vision 2025 », tout en définissant les domaines clés pour la coopération bilatérale : interconnexion, énergie, développement de zones économiques et parcs industriels, agriculture, lutte contre la pauvreté, bien-être du peuple et finance.
Depuis le lancement du CPEC, plusieurs plates-formes de consultation et de dialogue ont été établies. Citons, entre autres, le Dialogue stratégique entre les ministres chinois et pakistanais des Affaires étrangères, le Mécanisme de consultation conjointe des partis politiques du CPEC ou encore le Comité de coopération conjointe du CPEC, ce dernier rassemblant des organes gouvernementaux, des entreprises, des institutions financières et des think-tanks des deux pays.
Au cours de la première réunion du Mécanisme de consultation conjointe des partis politiques du CPEC qui a eu lieu le 19 mars 2019, Song Tao, chef du Département international du Comité central du PCC, a affirmé que le CPEC avait déjà fait du chemin : 22 projets sont en phase de construction ou ont déjà été achevés, pour un investissement total de 19 milliards de dollars. Ces chantiers ont permis la création d’environ 70 000 emplois au profit du peuple pakistanais et ont considérablement stimulé la croissance économique du pays.
Au sujet du financement du CPEC, qui constitue une source de préoccupation à l’international, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a fait savoir que la partie chinoise a pris à sa charge plus de 80 % du coût des projets actuels sous la forme d’investissements directs ou d’aides sans contrepartie, de telle sorte que moins de 20 % du total ont été financés via des emprunts souscrits auprès de la Chine. Par conséquent, le CPEC n’a pas alourdi le fardeau de la dette au Pakistan, mais au contraire, a injecté une nouvelle vitalité dans l’économie du pays.
Lors de la première réunion du Mécanisme de consultation conjointe des partis politiques du CPEC, Zhai Dongsheng, directeur général du Centre de l’initiative « la Ceinture et la Route » relevant de la Commission nationale pour le développement et la réforme, a indiqué qu’à la fin 2018, 7 projets dans le domaine énergétique avaient déjà été mis en œuvre. Ces projets, qui ont demandé un investissement total de 5,1 milliards de dollars, permettent aujourd’hui de produire annuellement 19,5 milliards kwh d’électricité, une capacité pouvant répondre à la demande de près de 8,6 millions de foyers. En outre, 5 projets similaires sont encore en cours de construction, pour un investissement cumulé de 8,2 milliards de dollars et une puissance installée future de 3,9 millions kw. Dans le secteur du transport, 3 projets dont le coût total est estimé à 5,8 milliards de dollars ont été lancés, de même que 3 chantiers d’une valeur globale de 500 millions de dollars ont démarré dans le port de Gwadar.
D’après Zhai Dongsheng, les deux pays consentent à renforcer leur coopération au profit du bien-être de la population locale, notamment dans l’agriculture, l’éducation, la santé, l’accès à l’eau courante, la lutte contre la pauvreté et la formation professionnelle. Afin de hâter le processus d’industrialisation du Pakistan, les deux parties s’engagent à promouvoir la construction intégrale du port de Gwadar et à accélérer la mise en place de ce type de projets d’aide, avec au programme un nouvel aéroport international, une usine de dessalement d’eau de mer, un hôpital sino-pakistanais et une école professionnelle.
Une coopération gagnant-gagnant
Zhang Baozhong, président de China Overseas Ports Holding Company (COPHC), a qualifié de « passionnant » le projet du port de Gwadar. D’après lui, si le monde entier s’est intéressé à ce chantier, c’est principalement en raison de trois facteurs : sa complexité, le rythme incroyablement soutenu des travaux et le soutien des peuples chinois et pakistanais dont il a bénéficié.
Le gouvernement et le peuple pakistanais aspiraient depuis bien longtemps à dynamiser le transport maritime et le commerce en mettant à profit la position géographique et les conditions naturelles favorables du port de Gwadar, afin de promouvoir le développement économique et social dans la ville et même, dans toute la province du Baloutchistan.
Les premiers travaux d’aménagement du port de Gwadar ont commencé en 2000 et se sont terminés en 2005. Néanmoins, Gwadar ressemblait toujours à un village de pêcheurs, inapte à accueillir de gros navires. Ce n’est qu’en 2013, en vue de porter la coopération économique sino-pakistanaise dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route », que la COPHC a repris la gestion du port de Gwadar, sans apporter la moindre modification au contrat d’exploitation initialement convenu.
Zhang Baozhong se rappelle encore qu’à l’époque, le port de Gwadar n’était qu’une étendue de sable. Sans eau ni électricité, la population locale menait une vie très rude. Depuis, plus de 50 millions de dollars ont été investis dans la modernisation du port. Toutes ces transformations ont permis au port de Gwadar de devenir le port le plus performant de la région. Le 7 mars 2018, la ligne « Gwadar Gulf Express » destinée au transport de conteneurs a été officiellement mise en service, concrétisant l’objectif de connecter le port de Gwadar aux autres ports d’envergure du monde.
En outre, après deux ans de travaux et un investissement de 150 millions de dollars, la première phase de la zone franche de Gwadar a été achevée le 28 janvier 2018. Au sein de cette zone, les investisseurs bénéficient d’un environnement de travail sûr et agréable, avec un accès à l’électricité, à l’eau courante et aux services de télécommunication 24 h/ 24. Cette zone franche a capté près de 3 milliards de yuans d’investissement pour sa première phase. Une fois tous les projets mis en œuvre, elle devrait, selon les prévisions, enregistrer une valeur de production annuelle supérieure à 1 milliard de yuans, en créant au passage près de 10 000 emplois dans la région.
L’entreprise chinoise COPHC a pris soin d’assumer sa responsabilité sociale dans le port de Gwadar, lançant diverses initiatives pour soulager les problèmes quotidiens des habitants. Par exemple, depuis mai 2018, la COPHC distribue chaque jour 300 000 gallons d’eau douce à la population locale, en réponse à la pénurie d’eau potable.
Un rêve de développement devenu accessible avec le CPEC
Depuis son coup d’envoi, le CPEC a bénéficié d’un soutien fort de tous les milieux au Pakistan. Le premier ministre pakistanais, Imran Khan, a déclaré lors d’une réunion interne en janvier 2019 que les projets accomplis dans le cadre du CPEC sont tous dans l’intérêt du Pakistan et devraient offrir au pays de vastes opportunités de développement socio-économique. Il espère donc que la construction du CPEC va s’accélérer. De son côté, il a donné l’ordre de créer un comité consultatif pour les entreprises du CPEC, qui conseillera le gouvernement sur les mesures à prendre pour encourager l’aménagement des parcs industriels prévus en vertu du CPEC.
« La construction du CPEC profitera non seulement aux peuples des deux pays, mais également à l’ensemble de la région », a déclaré Qasim Suri, membre du parti Mouvement pour la justice du Pakistan et vice-président de l’Assemblée nationale du Pakistan, lors de la première réunion du Mécanisme de consultation conjointe des partis politiques du CPEC. Il est d’avis que le CPEC constitue pour le Pakistan une occasion historique d’inaugurer une nouvelle période de grand développement. « La construction du CPEC favorisera l’emploi, mais donnera aussi au peuple l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences en matière de production et de gestion de la main-d’œuvre. »
Lors de la réunion conjointe des partis politiques, Mushahid Hussain, homme politique affilié à la Ligue musulmane du Pakistan (Nawaz) et président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, a déclaré que le Pakistan pourrait bénéficier de la construction du CPEC sous trois aspects. « Premièrement, la visite du président Xi Jinping en 2015 a redonné espoir et confiance aux Pakistanais, car avant cet événement, aucun pays dans le monde n’était disposé à investir au Pakistan. Mais cela a changé avec la construction du CPEC. Aujourd’hui, le Pakistan apparaît comme un pays accueillant aussi bien les investissements que les touristes. Deuxièmement, depuis le CPEC, la population est confiante dans l’avenir. On peut dire que ce grand projet a permis de fédérer toutes les régions et tous les partis politiques du Pakistan autour de la quête d’un avenir meilleur. Troisièmement, l’initiative “la Ceinture et la Route” proposée par le président chinois Xi Jinping est le principal programme de diplomatie et de développement déployé au XXIe siècle. Et le projet du CPEC qui s’intègre à cette initiative fera du Pakistan une plaque tournante entre l’Asie du Sud et l’Asie centrale. »
Lors de cette réunion de concertation, Sherry Rehman, vice-présidente du Parti parlementaire du peuple pakistanais (PPP-P) et présidente du comité spécial sur le CPEC au Sénat, a mis l’accent sur les trois « C » (Consensus, Clarté, Communication) caractérisant la coopération sino-pakistanaise. « Pour des discussions plus fructueuses entre les deux parties, nous devons nous efforcer de coordonner nos opinions (consensus). Tout le monde au Pakistan s’accorde à dire que le projet du CPEC sera propice au développement du pays sur tous les plans (économique, social, médical, éducatif, etc.) et favorisera l’emploi. Mais nous devons encore nous concerter pour définir, noir sur blanc, les domaines de coopération prioritaires (clarté). » Mme Rehman a suggéré d’axer la coopération bilatérale sur six domaines, à savoir le commerce, le développement industriel, la lutte contre la pauvreté, la modernisation de l’agriculture, l’économie maritime et l’interconnexion régionale. Enfin, elle estime que la communication est un facteur clé pour le bon déroulement des projets. « Le CPEC étant un programme de grande envergure, il est crucial que les diverses provinces concernées du Pakistan maintiennent une communication étroite pour convenir des plans et objectifs spécifiques. »
Amanullah Khan Yasinzai, gouverneur de la province du Baloutchistan, a indiqué : « Le CPEC incarne l’amitié extraordinaire qui existe entre la Chine et le Pakistan, et laisse présager aux deux peuples un futur qui sera synonyme de développement. Ce projet contribuera à la croissance économique pakistanaise sur le long terme. » D’après lui, la construction du port de Gwadar offre des opportunités de développement sans précédent, tout en favorisant la paix dans la région. « Sans nul doute, l’initiative “la Ceinture et la Route” invite les pays riverains à former une communauté de destin », a-t-il conclu.